De la perception à l'interprétation

La maîtrise de l'attention

La réalité : un phénomène très personnel

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Notre cerveau nous permet de percevoir et de nous construire une réalité : notre réalité. C’est le rôle de nos sens que de nous donner une image du monde qui nous entoure. Cette représentation n’est pas parfaite : elle est conditionnée par nos connaissances, notre éducation, notre imagination... 

Si vous montrez deux jouets à deux enfants différents et que vous leur demandez de choisir le plus sympa, il n’est pas sûr qu’ils choisissent le même. Ils voient bien deux jouets, mais les perçoivent différemment suivant leur personnalité, leur sensibilité, leur caractère et bien évidemment leur culture. 
Notre capacité à percevoir peut ainsi être influencée : vous en faites l’expérience au quotidien notamment à travers les publicités. C’est de cette manière qu’on vous impose des marques. Amusez-vous à déambuler dans une galerie marchande et comparez les prix : vous remarquerez que, pour un même produit, un blue jean par exemple, les tarifs varieront du simple au triple. Qu’est-ce qui peut expliquer que, pour deux produits similaires, parfois fabriqués au même endroit, untel va dépenser une forte somme quand l’autre va choisir un magasin moins onéreux ? 
Dans l’une de ses conférences donnée en 2002, Gérard Caron, le « pape du design », détaille certains points qui expliquent selon lui le succès des marques :
  • Le code génétique : c’est en fait l’histoire de la marque, ce qui fait sa personnalité 
  • Son savoir-faire... qui reste souvent très subjectif 
  • Ses signes distinctifs : le logo, ses couleurs, comme Apple par exemple 
  • Son charisme 
On le voit bien, la perception qu’on a du produit, sa provenance, sa « notoriété », tout concourt à nous faire préférer untel plutôt qu’un autre. Il est ainsi toujours plus valorisant de s’afficher avec un sac Pierre Cardin qu’avec un sac Kiabi : l’un évoque le luxe, l’autre « la mode à petit prix »... 
Ainsi, à partir du moment où on est capable d’utiliser vos sens, de les manipuler, si vous n’êtes pas préparé, votre conscience suivra et acceptera comme vraie même les choses les plus invraisemblables. 


Le premier vrai pouvoir du magicien est donc de s’appuyer sur vos erreurs de perception et donc d’interprétation. Il peut ainsi vous faire croire qu’il mélange un jeu de cartes car vous voyez les cartes qui bougent, comme lorsqu’elles sont battues. Vous pouvez croire qu’il met une pièce dans sa main, car ses doigts se referment comme si elle tenait cette pièce. Ces informations s’inscrivent dans votre mémoire à court terme. Votre cerveau anticipe : pour lui la pièce est réellement dans la main, il s'attend donc à la revoir lorsque les doigts du magicien s’ouvriront à nouveau. Il se trouve piégé un peu plus tard lorsqu’il constate que la pièce n’y est plus, contre toute attente. Surtout, il n’aura aucun moyen de trouver le truc, car il reste persuadé que la pièce était dans la main... 
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Plus fort encore : si le magicien, à la place d’une pièce, utilise une boîte d’allumettes qu’il secoue pour bien faire entendre le bruit, qu’il place cette boîte dans la main droite qui se referme sur elle et qu’il secoue cette main pour faire entendre les allumettes, vous êtes naturellement persuadé que la boîte s’y trouve. Mais qui vous dit que le son ne parvient pas de sa manche ? Les capteurs sensoriels sont spécialisés : un son ne concorde pas forcément avec une vision et peut largement concourir à créer une illusion. Dans ce dernier cas, la main qui s’ouvre pour montrer que la boîte d’allumettes, que vous avez vue et entendue, ne s’y trouve plus... 
Dans votre quotidien, combien de fois par jour êtes-vous victime de ces erreurs de perception et donc d’interprétation ? 
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Pour bien percevoir, il faut du temps

Vous pouvez, parfois, confondre votre voiture avec celle d’un autre : même couleur, même marque. Vous n’avez pas perçu certains détails différents car vous percevez l’information de façon globale. Pire, cela a déjà dû vous arriver, vous rencontrez une personne que vous confondez avec une autre : elles sont différentes, mais présentent de nombreuses similitudes. C’est très embarrassant ! 
Dans une étonnante expérience, menée par Daniel Simons, de l’Université de Harvard, ce dernier engage un comédien qui joue le rôle d’un touriste perdu. La séquence est filmée en continu. Le comédien s’adresse à un passant, un homme, pour lui demander son chemin. Le passant lui explique et au bout de quelques secondes, deux déménageurs avancent, une porte dans les bras. Cette porte masque les deux déménageurs du point de vue de l’homme. Ils passent entre lui et le comédien qui prend la place d’un des déménageurs et inversement. Le nouveau comédien est habillé à peu près de la même façon, mais ne ressemble pas du tout au premier. Pourtant, le passant ne voit rien et continue de donner ses explications au touriste qu’il pense être le même ! 

Selon Daniel Simons, 50% des personnes testées sont tombées dans le panneau et n’ont absolument rien remarqué. 

Comment expliquer cette erreur de perception ? 

Vous êtes limité par ce qu’on appelle le temps de réaction qui désigne le temps qu’il vous faut pour bien percevoir une information et la comparer avec ce que vous avez « archivé » dans votre mémoire. Très concrètement, la difficulté de comparaison entre une information et une autre est bien évidemment tributaire de la complexité de cette dernière : plus une information est dense, plus il faut de temps pour la décrypter. Cette particularité lui permettrait notamment de voir les yeux bandés.
Dans le cas des visages, des apparences, s’il y a énormément de similitudes, vous devez passer suffisamment de temps sur l’étude de la personne pour la comparer mentalement avec l’autre. On peut donc en déduire que le temps de réaction (TR) augmente en fonction de l’incertitude et la variété d’étapes de traitement de l’information. Et plus il y en a, comme c’est le cas pour un visage, plus c’est long à percevoir. 
Le chercheur Paul Fraisse, en 1969, a déterminé le temps nécessaire qu’il faut pour traiter différentes informations. D’une façon générale, un lecteur moyen reconnaît un mot en 25 millisecondes (ms), une forme géométrique en 10 ms et un dessin en 21 ms. 
Les cinéastes ont bien compris cette capacité : en projetant 24 images par seconde, on obtient un film fluide, c'est-à-dire avec l’illusion que tout se joue en continuité, alors qu’il s’agit de saccades extrêmement rapides que l’œil n’a pas le temps de percevoir. Pour autant, peut-on influencer les gens en rajoutant des messages indirects, c’est-à-dire subliminaux ?
Là encore, c’est plus complexe qu’il n’y paraît : en 1956, le cinéma doit faire face à une vaste polémique sur l’usage du subliminal lors de la projection de films. La presse révèle que, pour favoriser la consommation de boissons, les films sont truffés d’images inconscientes véhiculant des messages de type « soif » ou « faim » dans l’espoir d’influencer le consommateur. 
Si l’expérience a bien été menée, la finalité est une tromperie : à aucun moment ce type de message ne peut influencer le comportement d’une personne. D’ailleurs, le saviez-vous ? Tout est parti d’un agent en marketing au chômage qui a vendu l’idée à une grosse société avant de disparaître avec la caisse. 
Depuis, de nombreuses expériences ont été réalisées. Lors de l'une d’entre elles, menée en 1997 au Canada, le message « téléphonez maintenant » a été présenté 325 fois dans une émission populaire de façon « subliminale ». Personne n’a jamais appelé et 500 personnes interrogées n’ont jamais perçu le message. La raison est simple : si votre œil n’a pas le temps de voir une information, surtout lorsque celle-ci est mélangée à d’autres, il ne peut pas la percevoir ni même la mémoriser... et donc agir. 
Le domaine des illusions sensorielles est fascinant. Vos 5 sens vous permettent d’appréhender le monde qui vous entoure. Ces informations recueillies sont ensuite décortiquées. Or, si vous ne faites pas attention, elles peuvent être mal interprétées et vous induire en erreur. La question est : comment faire attention au quotidien et éviter ce type de désagrément ? En étant plus attentif.  
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