La cécité par inattention

La maîtrise de l'attention - Partie 2

La cécité au choix

« L'homme est incapable de choix et il agit toujours cédant à la tentation la plus forte. » André Gide
« L'homme est incapable de choix et il agit toujours cédant à la tentation la plus forte. » André Gide
Tout l'art du magicien réside dans sa capacité à suggérer. Dans ce monde magique, au final, tout n'est qu'illusion : l'artiste paraît serein, grâce à son détachement. Il manipule ouvertement ses cartes à jouer ou autres accessoires. Il prend son temps, car il sait très bien qu'un geste brusque est suspect. Il sait aussi que la main n'est pas plus rapide que l'œil, mais que ce dernier peut être trompé.

A aucun moment, le magicien ne cherche à convaincre directement. Il préfère persuader de façon passive. Comment s'y prend-il ?

Tout d'abord, comme l'écrit Derren Brown, "les petits signes seront acceptés en tant que tels, les affirmations gratuites seront remises en question de façon cynique". Autrement dit, pour convaincre, mieux vaut suggérer qu'affirmer afin que l'autre se sente libre de croire ou non.

Tentons une expérience

Pensez à un nombre à deux chiffres. Soyez vraiment libre de choisir celui qui vous convient. Vous pourriez être tenté de penser au nombre 33, mais en même temps vous pourriez vous dire que la plupart des gens choisissent précisément ce nombre. Ne tombez pas dans ce piège : si vous préférez, vous pouvez même prendre deux dés à jouer et laisser le hasard choisir pour vous en les lançant plusieurs fois.
Vous l'avez ? Très bien. Maintenant, soustrayez du nombre choisi les chiffres qui le composent. Si vous avez choisi 28, vous faites 28-2-8=18.
Maintenant, vous avez le choix : vous pouvez garder ce résultat ou le multiplier par n'importe quel nombre entre 1 et 10. C'est vous qui choisissez. La seule consigne, c'est d'obtenir un résultat final entre 1 et 100.
Par exemple, si après votre soustraction vous obtenez 24, vous pourriez le multiplier par 1, 2, 3 et 4 pour obtenir 24, 48, 72 ou 96. Ou juste rester sur 24. C'est vous qui choisissez : il s'agira de votre résultat final.
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Gardez-le en tête

Maintenant, reportez-vous au tableau suivant et mémorisez le mot qui se trouve en face de votre résultat final. Si ce résultat est 24, vous mémoriserez "Tête". Si c'est 96, vous mémoriserez "Short". C'est à vous : 
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Vous avez votre mot en tête ? Laissez moi deviner...

 Par hasard, est-ce que vous ne penseriez pas au mot bijou ? Surprenant, n'est-ce pas ?
Pas tant que ça au final, car même si vous avez eu l'impression de choisir librement votre nombre de départ, il en va tout autrement pour le résultat final. Regardez attentivement le tableau, vous remarquerez que, tous les 9 mots, il y a le mot "bijou". Et vous êtes forcément tombé sur un multiple de 9.
Comment ? C'est très simple : dès lors que vous soustrayez d'un nombre les chiffres qui le composent, vous obtenez un multiple de 9. Si vous choisissez 33, vous soustrayez 3 et 3. Vous obtenez 27, qui est un multiple de 9.
Vous pouvez encore multiplier ce nombre par ce que vous voulez, ça ne change rien, vous resterez désormais sur un mutliple de 9 : 27 fois 2 font 54, 27 fois 3 font 81 etc...
L'illusion fonctionne car dès le début, vous suggérez au public une liberté de choix. Ensuite, il y a un engagement de la part des spectateurs : celui de soustraire le nombre choisi de ses propres chiffres. Cet engagement, qui n'est ni plus ni moins qu'un ordre, est contrebalancé par un dernier choix : multiplier ou non. La plupart des gens qui ne connaissent pas le truc sont bien évidemment surpris par la révélation finale. Surtout, s'ils ne trouvent pas l'astuce tout de suite, ils sont perturbés par cette idée fausse qu'ils ont vraiment eu toute la liberté de choisir. Liberté qu'ils vont revendiquer et même interpréter.
Dans une expérience où il fallait donner son avis sur deux portraits photos et désigner la personne la plus attrayante, les chercheurs retournaient les photos et les inversaient secrètement. La photo attrayante, à l'origine à gauche, arrivait à droite et inversement. Lorsque les chercheurs retournaient les photos et demandaient aux participants de justifier leur choix, la plupart d'entre eux, non seulement ne remarquaient pas l'échange (cécité au changement), mais en plus étaient capables de justifier le choix sur la photo qu'on leur présentait et qu'ils avaient pourtant écartée quelques instants auparavant !

Ce phénomène, celui d'être persuadé qu'on est à l'origine d'un choix alors que ce n'est pas le cas, s'appelle la cécité au choix.

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