Comment gagner la confiance du spectateur ? Partie 2

De la perception à l'interprétation

Comment les magiciens trompent vos sens

'Les perceptions des sens et les jugements de l'esprit sont des sources d'illusion et des causes d'incertitude' Anatole France
"Les perceptions des sens et les jugements de l'esprit sont des sources d'illusion et des causes d'incertitude" Anatole France
Si vous observez le dessin ci-dessous, vous aurez l’impression que le rond central de gauche est plus grand que celui de droite. Ils sont bien évidemment de la même taille : on doit cette illusion d’optique au psychologue britannique Edward Bradford Titchener en référence à ses travaux sur la perception. Dans ce cas précis, il s’agit d’une erreur visuelle due à l’effet de contraste : la grandeur apparente des ronds les plus grands est surestimée par rapport aux plus petits et inversement.
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Les magiciens utilisent votre capacité à percevoir ou pas pour créer des tours de magie. Le grand public, d’ailleurs, pour les expliquer, évoque la présence de boîtes à double-fond, de miroirs, de trappes… Il suggère donc, à juste titre, une manipulation des sens, et notamment celui de la vue.
Une illusion est-elle juste une erreur de perception ? Selon Suzanne Martinez Conde et Stephen Macknik, l’illusion est le raccourci que votre cerveau, qui s’adapte toujours, fait pour accélérer ou réduire l'effort de traitement des informations nécessaires pour vous fournir celles dont vous avez besoin pour vivre, survivre et prospérer, même si ces informations ne sont pas techniquement précises.
Par exemple, vous êtes au travail, dans votre bureau. Avant de vaquer à vos occupations, vous avez pris le soin de fermer la porte pour être tranquille. Au moment où vous vous levez pour sortir de la pièce, votre cerveau anticipe : il s’attend à ouvrir la porte pour que vous puissiez continuer votre chemin. Il programme donc votre vitesse de déplacement, la vitesse de votre main qui va se saisir de la poignée afin d’ouvrir la porte puis sortir. Si la porte reste bloquée, vous êtes surpris : vous n’aviez pas prévu cette situation. Votre cerveau vous a plus ou moins induit en erreur en vous proposant ce raccourci simple : « puisque j’ai moi-même simplement fermé cette porte, alors je dois moi-même pouvoir l’ouvrir tout aussi simplement ».
Le problème, c’est qu’entre temps, sans que vous l’ayez perçu, une tierce personne a pu fermer cette porte à clé : vous êtes pris au dépourvu car il vous manque une donnée essentielle. Or, l’une des spécificités que l’être humain développe avec le temps et les apprentissages, c’est bien sa capacité à prévoir, à se préparer. Et ce, grâce à des cellules nerveuses bien particulières : les neurones miroirs.
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Les neurones miroirs permettent entre autres d’interpréter des actions perçues. Lors d’une expérience sur des singes, des chercheurs ont associé un bruit à une action. Au niveau cérébral, des neurones s’activaient en réponse à ce stimulus et à cette action. Ces mêmes neurones réagissent ensuite si on provoque le bruit sans l’action : le singe anticipe. C’est ce qui se passe au quotidien : si une personne se sert un verre d’eau, vous êtes capable de vous projeter dans l’avenir et d’en déduire qu’elle va le boire ou en tout cas le vider.
Les neurones miroirs sont aussi impliqués dans l’apprentissage par mimétisme et empathie. Agissant comme un miroir – d’où leur nom – ils nous permettent de nous mettre à la place d’autrui. Les artistes du spectacle, y compris les magiciens, comptent sur cette capacité : si l’illusionniste porte son regard sur sa main, les spectateurs suivront son regard, par mimétisme. S’il fait un gag, s’arrête et sourit, il va provoquer les rires, et sans doute les applaudissements.
Dans une étude menée par Susanna Martinez-Conde et Stephen Macknik, un magicien montre une balle aux spectateurs. La balle est lancée plusieurs fois en l’air et est rattrapée normalement. À un moment donné, il fait semblant de la lancer en la retenant dans sa main mais son regard suit la direction qu’aurait prise la balle. Les spectateurs font de même et sont victimes d’une illusion : la balle semble avoir disparu.
Selon Gustav Kuhn, psychologue et magicien de l’Université de Durham, en Angleterre, nous possédons tous des neurones qui réagissent à des mouvements implicites, qui nous paraissent évidents. Si je vous demande d’imaginer le mouvement d’une balle de tennis frappée par une raquette, vous la voyez aller vers l’avant. Les neurones responsables de cette capacité se situent dans la même aire que les neurones sensibles au mouvement réel de cette balle. D’où l’éventuelle confusion.

Les illusionnistes partent du principe que vous anticipez ce qui va arriver

 Ils s’appuient sur cette capacité en vous obligeant à supposer le but d’une action… qui n’arrivera pas : si le magicien prend une balle dans une main et ouvre cette dernière pour lancer la balle, vous vous attendez à recevoir cette balle. Si ça n’est pas le cas, vous êtes surpris.
Pour arriver à ses fins, un magicien crée donc des illusions perceptives : dans l’exemple ci-dessus, il donne l’impression de prendre une balle et crée une image suffisamment convaincante pour que le cerveau l’imprime et en garde une trace : c’est le phénomène des post images. Lorsque la main s’ouvre pour montrer qu’elle est vide, l’effet de surprise crée chez vous une forme d’incompréhension : il s’agit « d’un tour de magie », la seule explication possible.
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