Si vous observez le dessin ci-dessous, vous aurez l’impression
que le rond central de gauche est plus grand que celui de droite.
Ils sont bien évidemment de la même taille : on doit cette illusion
d’optique au psychologue britannique Edward Bradford Titchener
en référence à ses travaux sur la perception. Dans ce cas précis,
il s’agit d’une erreur visuelle due à l’effet de contraste : la
grandeur apparente des ronds les plus grands est surestimée par
rapport aux plus petits et inversement.
Les magiciens utilisent votre capacité à percevoir ou pas pour
créer des tours de magie. Le grand public, d’ailleurs, pour les
expliquer, évoque la présence de boîtes à double-fond, de
miroirs, de trappes… Il suggère donc, à juste titre, une
manipulation des sens, et notamment celui de la vue.
Une illusion est-elle juste une erreur de perception ? Selon
Suzanne Martinez Conde et Stephen Macknik, l’illusion est le
raccourci que votre cerveau, qui s’adapte toujours, fait pour
accélérer ou réduire l'effort de traitement des informations
nécessaires pour vous fournir celles dont vous avez besoin pour
vivre, survivre et prospérer, même si ces informations ne sont
pas techniquement précises.
Par exemple, vous êtes au travail, dans votre bureau. Avant de
vaquer à vos occupations, vous avez pris le soin de fermer la
porte pour être tranquille. Au moment où vous vous levez pour
sortir de la pièce, votre cerveau anticipe : il s’attend à ouvrir la
porte pour que vous puissiez continuer votre chemin. Il
programme donc votre vitesse de déplacement, la vitesse de
votre main qui va se saisir de la poignée afin d’ouvrir la porte puis
sortir. Si la porte reste bloquée, vous êtes surpris : vous n’aviez
pas prévu cette situation. Votre cerveau vous a plus ou moins
induit en erreur en vous proposant ce raccourci simple :
« puisque j’ai moi-même simplement fermé cette porte, alors je
dois moi-même pouvoir l’ouvrir tout aussi simplement ».
Le problème, c’est qu’entre temps, sans que vous l’ayez perçu,
une tierce personne a pu fermer cette porte à clé : vous êtes pris
au dépourvu car il vous manque une donnée essentielle. Or, l’une
des spécificités que l’être humain développe avec le temps et les
apprentissages, c’est bien sa capacité à prévoir, à se préparer. Et
ce, grâce à des cellules nerveuses bien particulières : les
neurones miroirs.
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Les neurones miroirs permettent entre autres d’interpréter des
actions perçues. Lors d’une expérience sur des singes, des
chercheurs ont associé un bruit à une action. Au niveau cérébral,
des neurones s’activaient en réponse à ce stimulus et à cette
action. Ces mêmes neurones réagissent ensuite si on provoque
le bruit sans l’action : le singe anticipe. C’est ce qui se passe au
quotidien : si une personne se sert un verre d’eau, vous êtes
capable de vous projeter dans l’avenir et d’en déduire qu’elle va
le boire ou en tout cas le vider.
Les neurones miroirs sont aussi impliqués dans l’apprentissage
par mimétisme et empathie. Agissant comme un miroir – d’où leur
nom – ils nous permettent de nous mettre à la place d’autrui. Les
artistes du spectacle, y compris les magiciens, comptent sur cette
capacité : si l’illusionniste porte son regard sur sa main, les
spectateurs suivront son regard, par mimétisme. S’il fait un gag,
s’arrête et sourit, il va provoquer les rires, et sans doute les
applaudissements.
Dans une étude menée par Susanna Martinez-Conde et Stephen
Macknik, un magicien montre une balle aux spectateurs. La
balle est lancée plusieurs fois en l’air et est rattrapée
normalement. À un moment donné, il fait semblant de la lancer
en la retenant dans sa main mais son regard suit la direction
qu’aurait prise la balle. Les spectateurs font de même et sont
victimes d’une illusion : la balle semble avoir disparu.
Selon Gustav Kuhn, psychologue et magicien de l’Université de
Durham, en Angleterre, nous possédons tous des neurones qui
réagissent à des mouvements implicites, qui nous paraissent
évidents. Si je vous demande d’imaginer le mouvement d’une
balle de tennis frappée par une raquette, vous la voyez aller vers
l’avant. Les neurones responsables de cette capacité se situent
dans la même aire que les neurones sensibles au mouvement
réel de cette balle. D’où l’éventuelle confusion.
Les illusionnistes partent du principe que vous anticipez ce qui va arriver
Ils s’appuient sur cette capacité en vous obligeant à
supposer le but d’une action… qui n’arrivera pas : si le magicien
prend une balle dans une main et ouvre cette dernière pour
lancer la balle, vous vous attendez à recevoir cette balle. Si ça
n’est pas le cas, vous êtes surpris.
Pour arriver à ses fins, un magicien crée donc des illusions
perceptives : dans l’exemple ci-dessus, il donne l’impression de
prendre une balle et crée une image suffisamment convaincante
pour que le cerveau l’imprime et en garde une trace : c’est le
phénomène des post images. Lorsque la main s’ouvre pour
montrer qu’elle est vide, l’effet de surprise crée chez vous une
forme d’incompréhension : il s’agit « d’un tour de magie », la
seule explication possible.